C’était il y a 5 ans.

Ma chérie,

nous avions tout essayé. Surtout toi, qui a toujours donné le plus d’effort dans ce combat pour tomber enceinte, pour faire de moi le papa que je suis aujourd’hui.

Entre les traitements, les régimes, les privations. Je t’ai accompagné, j’y ai cru, on y a cru. A aucun moment nous nous sommes laissé convaincre par ce médecin qui t’avais dit “Ou pa pou kapav gagn zanfan”.

Jusqu’à ce jour. Ce fameux test de grossesse positif en septembre 2017.

C’était une joie immense, car ENFIN… nous allions pouvoir savourer cette victoire.

Nous commencions déjà à penser aux prénoms si c’était une fille ou un garçon.

Je me rappelle comme si c’était hier. Le médecin avait confirmé cette grossesse tant attendue.

Nous avions eu tellement de mal à garder ce secret, tellement c’était une joie immense, que nous avions décidé de l’annoncer à notre famille le 3 novembre 2017, le jour de mes 30ans. Des félicitations pleuvaient de toute part.

Puis ce lundi 20 novembre de cette même année, tu étais sortie avec tes collègues pour la fête de fin d’année, je me rappelle c’était dans un domaine… un endroit que je n’aime plus trop.

Ce jour là, tu m’avais appelé pour me parler du sentiment bizarre que tu avais, puis tu avais des sortes d’urticaires sur tout le corps.

Pendant, quelques jours, tu sentais que quelque chose avait changé en toi. Tu te disais, c’est peut être les hormones…

Puis après 3 jours, ton instinct, auquel je me suis toujours fié, te disais que quelque chose n’allait pas.

Tu me faisais part de tes inquiétudes et j’essayais tant bien que mal de te rassurer. C'était notre première grossesse et nous avions peur de tout et de rien.

Ce même 24 novembre, j’étais au travail. Tout ce dont je me rappelle, c’est ta voix tremblante, tes mots confus: “Beb je saigne…”

Ce jour là, j’ai écourté un déjeuner entre collègue dans mon nouveau job pour te rejoindre, et les mots du médecin, aussi subtiles mais en même temps aussi durs: “Vous savez Mons & Mme Fanny, dans certains cas, le foetus ne se développe pas comme il devrait et la croissance peut parfois s'arrêter. C’est un processus naturel. Malheureusement, je confirme qu'il n’y a plus de battement de coeur…”

A partir de cet instant, nous étions en sourdine. Dans ton regard horrifié, j’ai compris que ton corps et ton esprit voulait se séparer de ce bébé mort en ton sein. Les larmes témoignaient de ta souffrance.

Ce n’était plus possible. Ce bébé, qui était devenu “une chose”.

Le médecin a proposé d’attendre quelques jours, le corps allaient s'en "débarasser"naturellement mais tu voulais en finir au plus vite. C'était un supplice je sais. J’étais muet, j’essayais de lire en toi comme je l’ai toujours fait, mais c’était compliqué.

Cette pilule qu'il t'a prescrit, allait te délivrer, mais on ne savait pas ce qui nous attendais.

Tu l’as avalé. Le soir, nous appréhendions le curetage du lendemain, sans se douter que l’épreuve la plus dure allait être ce fameux soir du 24 novembre 2017.

Cette douleur insurmontable, comme si que le travail avait commencé. T’étais assise là, sur la toilette, des caillots de sang sortait de toi au terme d'une douleur atroce tant physique que mentale. Personne n’y ait réellement préparé. Nous étions juste un jeune couple marié, désirant un bébé, vivant et en bonne santé.

Ce 24 novembre 2017, un jour que j’effacerais volontier du calendrier pour ne pas voir celle que j’aime souffrir autant. Celle, qui avait tant sacrifié pour pouvoir enfanter.

Ce bébé nous avions déjà choisi son prénom. D’ailleurs, notre dernier enfant porte ce prénom, en signe de reconnaissance de ce miracle qu’est la vie et d’un Dieu qui ne nous abandonne jamais dans les épreuves. On pardonne aussi à toutes ces personnes maladroites dans leurs propos en essayant de te réconforter. Parfois, un câlin suffit.

Toi, ma femme que j’aime, à ce moment précis, j’en ai voulu à la terre entière de t’avoir privé de ce bonheur.

Toi qui peut penser que je suis indifférent parce que je n’en parle pas, ou qu’arrivé à cette date, j’esquive le sujet jusqu’à ce que tu me le rappelles: “C’est le 24 novembre aujourd’hui et cela fait 5 ans”. Oui je sais, 5 ans depuis notre perte. Oui je dis bien notre, parce qu’une partie de moi aussi s’en est allé, laissant une cicatrice profonde qu’on panse comme on le peut mais qui se rouvre de temps en temps…

Après 5 ans, le plus dur c’est de réaliser que nous n’avons pas encore fait le deuil de ce bébé.

P.S. Merci à notre gynéco qui nous a été d’un soutien incommensurable.